Les raisons de cette distinction

En travaillant sur la radioactivité, les scientifiques ont rapidement compris que celle-ci avait des conséquences biologiques importantes. Pourtant, la radioactivité existe aussi à l’état naturel et n’affecte sous cette forme personne de façon notable.

Ils ont ainsi conclu qu’il était important d’établir une distinction : les doses n’affectant pas, ou du moins sans grand changement, l’organisme humain (dites faibles doses) et les doses ayant un effet visible sur ce même organisme (dites fortes doses).

Puisque l’expérimentation humaine n’était pas possible, les chercheurs ont été contraints d’utiliser deux méthodes : l’épidémiologie et la dosimétrie.

L’épidémiologie est une discipline qui étudie les facteurs, la fréquence et la gravité des maladies en considérant des populations à grande échelle. Elle utilise donc des moyens statistiques.

En radioactivité l’épidémiologie est le plus souvent basée sur les accidents (Tchernobyl) mais, comme ceux-ci sont relativement rares et encore récents, les études s’appuient principalement sur le suivi des survivants de Nagasaki et Hiroshima.

Ce n’est toutefois pas toujours le cas, comme le montre la figure ci-dessous.

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Exemple d’une étude épidémiologique menée auprès d’enfants habitant près d’une centrale nucléaire.(http://pratclif.com/climatechange/nucleaire/leucemie201201/lemonde.htm, 15/01/2017).

La dosimétrie est la science du calcul de la dose absorbée par un organisme ou un objet. La mesure des doses est en réalité très compliquée car elle repose sur la dose reçue, la morphologie réelle de la victime, la date de contamination initiale.

On estime donc la dose absorbée grâce à des appareils, nommés dosimètres, et des modèles lorsque les paramètres sont connus.

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Exemple de dosimètre. (http://www.linternaute.com/actualite/monde/1283390-tchernobyl-30-ans-apres-26-avril-2016/1284816-dosimetre 15/01/2017).

En fait, la majeure partie des recherches a été réalisée sur environ 90 000 survivants des bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Celles-ci montrent indiscutablement que les risques de cancers augmentent chez les personnes ayant reçu une dose supérieure à 100 mSv. En revanche, pour une dose inférieure, aucune étude n’a encore prouvé un rapport entre l’exposition aux rayonnements et cancers ou autres maladies (on parle d’effet de seuil).

Il faut toutefois savoir que les études épidémiologiques concernant les conséquences biologiques de faibles doses de rayonnements sont très compliquées car elles demandent de suivre une cohorte importante sur une ou plusieurs dizaines d’années. En effet, les éventuelles conséquences ne peuvent être observées que sur le long terme et sont, par ailleurs, difficilement détectables. De plus, ce type d’études est assez coûteux, ce qui rajoute une difficulté à leur réalisation.

Signalons enfin que les enjeux politiques et économiques du nucléaire ne favorisent pas les recherches qui montreraient des conséquences néfastes des faibles doses car cela empêcherait tout utilisation du nucléaire.

Le seuil de 100 mSv

Ainsi, la valeur de 100 mSv a été choisi comme seuil au-delà duquel la radioactivité a des conséquences néfastes sur la santé humaine.

On s’accorde généralement pour dire qu’aucune conséquence nuisible n’a encore été observée chez les adultes pour des doses inférieures à 200 mSv et chez l’enfant pour des doses inférieures à 100 mSv.

Pour une dose inférieure à ce seuil, on parle de faibles doses. Pour une dose supérieure, de fortes doses. On ne prend généralement pas en compte de catégorie de moyenne dose (voir plus loin).

On peut noter toutefois qu’en épidémiologie nucléaire, plus la dose est basse, plus la cohorte doit être importante pour pouvoir vérifier ses effets éventuels. Le graphique ci-dessous illustre ce phénomène.

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Taille de la cohorte nécessaire selon la dose en mGy. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Faibles_doses_d%27irradiation#cite_note-UNSCEAR00-2 consulté le 15/01/2017).

Les cohortes exposées n’atteignant jusqu’à présent que rarement les 100 000 individus, les études épidémiologiques sont de ce fait limitées à l’étude des doses supérieures ou égales à 100 mSv. C’est notamment, même si cela est peu dit, l’une des raisons au choix de cette limite.

Il existe de nombreuses situations dans lesquelles nous pouvons être exposés à de faibles doses de rayonnements ionisants, et nous y sommes soumis quotidiennement (plus ou moins selon les régions du monde).

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Quelques exemples d’exposition à de faibles doses.(http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/effet-sur-homme/effets-sanitaires-faibles-doses/Pages/1-comprendre-faibles-doses-rayonnements-ionisants.aspx?dId=8c9b695a-fdbd-4622-9153-741baccf245c&dwId=120d0c15-69bb-4d20-a35e-93ac36e93e86#.WHmXkXeZc1g consulté le 14/01/2017).

Il est heureusement bien plus rare d’être exposé à de fortes doses de radioactivité et cela n’arrive qu’exceptionnellement : lors de bombardements, d’accidents (centrale, radiothérapie…).